La Grèce de Georges Papandréou fait actuellement la
Une des médias : corruption, sous-productivité et évasion fiscale sont
les principaux maux qui expliquent le déséquilibre de ses finances
publiques. On ne saurait non plus sous-estimer le poids de l'Histoire
dans l'engrenage qui a conduit le pays au bord de la faillite.
La poursuite obsessionnelle de la grandeur antique a largement obéré les
finances publiques du pays.C'est parce qu'Athènes n'avait pas
obtenu les Jeux Olympiques de 1996, année du centenaire des premiers
jeux de l'époque moderne, qu'elle a insisté pour obtenir ceux de
2004. Il faut bien dire que l'attribution des JO de 1996 à Atlanta,
capitale du principal sponsor du Comité International
Olympique, Coca-Cola, avait de quoi choquer. Ce n'était pas une
raison pour oublier que les JO sont souvent une malédiction pour les
hôtes : l'élan donné à la Catalogne par ceux de Barcelone en 1992 ne
doit pas masquer le fait que les habitants de Montréal n'ont fini de
payer ceux de 1976 qu'en 2006 !À la faveur de ces Jeux, on
annonça la création d'un nouveau musée, en face de l'Acropole, pour
accueillir les frises du Parthénon, transférées (volées, disent les
Grecs) au British Museum au XIXe siècle par Lord
Elgin. On espérait ainsi faire pression sur les Britanniques pour
en obtenir la restitution. Mais inaugurer un musée vide ou
presque était-il la priorité en juin 2009 ? La situation présente
tend à montrer que non.
Tensions militaires
Le deuxième facteur historique à prendre en compte est contemporain.
On sait que les relations entre la Grèce et la Turquie sont exécrables.
La Grèce a obtenu en 1830 son indépendance de l'Empire ottoman,
mais les tensions ont dégénéré après la Première Guerre mondiale
en une véritable guerre, réglée par le traité de Lausanne en 1923.
Des centaines de milliers de Grecs établis en Asie Mineure depuis
des générations ont été chassés vers la Grèce alors que les Turcs
de Grèce subissaient le sort inverse.
Des contentieux sur les îles, l'espace aérien et les eaux territoriales
perdurent aujourd'hui et expliquent que le budget militaire grec soit le
plus important d'Europe en pourcentage de PIB, alors même qu'une guerre
paraît peu probable. Naturellement, cette situation profite à certains.La
France et l'Allemagne auraient ainsi insisté durant les négociations de
ces dernières semaines autour de la dette pour que l'argent du plan de
sauvetage serve à payer les armes que la Grèce a achetées à ces deux
pays, et pour lui interdire de revenir sur ces contrats ! Ce cynisme,
dont on fait habituellement preuve envers les pays les moins développés,
en dit long sur l'estime dans laquelle nos dirigeants tiennent Athènes.
Enfin, et cette fois sans lien avec les causes de la dette,
l'intervention du FMI (Fonds Monétaire International) vient rappeler que
le pays s'est longtemps trouvé sous la protection, voire la domination,
de puissances étrangères : la France, la Grande-Bretagne et la Russie
se sont partagées le pouvoir après avoir obtenu l'indépendance de la
Grèce.Durant la Première Guerre mondiale, la France et la
Grande-Bretagne ont contraint le roi Constantin Ier, proche de
l'Allemagne, à abdiquer au profit de son fils, Alexandre. Au début de la
Seconde Guerre mondiale, les Grecs répondirent fermement «Ochi»
(«non») à un ultimatum de l'Italien Mussolini. Ils firent
face avec courage à l'invasion italienne mais n'échappèrent pas à
l'occupation allemande. Après le conflit, la guerre civile entre les
communistes, soutenus par Moscou, et les monarchistes, aidés par
la Grande-Bretagne puis les États-Unis, fut un des premiers épisodes de
la guerre froide, non le moins atroce.
Tout ceci contribue à expliquer la méfiance, voire la défiance, de nombreux
Grecs envers le pouvoir de contrôle que s'arrogent les experts
internationaux et leurs commanditaires européens. La légèreté avec
laquelle l'Union européenne a accueilli la Grèce en son sein, en 1981,
puis dans l'union monétaire en 2001, après deux ans d'atermoiements, ne saurait
suffire à gommer ce passif.
Yves Chenal.